Durant les 24 premières années de ma vie, j’ai vécu dans une violence familiale sans fin parce que mon père était alcoolique. Ma mère, ma sœur et moi n’avons jamais entendu parler ni d’aide ni d’assistance pour les femmes et les filles victimes de violence. Nous sommes loin d’être des cas isolés.
En effet, en 2007, une enquête sur la violence conjugale à Antananarivo a relevé que 35 % des femmes Malagasy ont déclaré avoir subi au moins une forme de violence physique au cours des 12 mois précédant l’enquête ; près de 50 % des femmes violentées en sont sorties avec des hématomes tandis que près de 25 % ont subi des plaies avec des saignements. Un résultat plus surprenant encore, pratiquement 1/3 des femmes, même les jeunes ou les urbaines, pensent qu’un homme a le droit de les battre. Dans une proportion très proche de celle des femmes, les hommes de 15-49 ans considèrent qu’il est justifié qu’un homme ait le droit de battre sa conjointe ou partenaire. De plus, 60 % des femmes victimes de tout type de violence n’ont jamais tenté de trouver de l’aide.
Par ailleurs, Madagascar se trouve au 158e rang sur 188 pays suivant le classement basé sur l’indice de développement humain (IDH) de l’année 2016. Il présente une évolution de l’IDH moins rapide dans le temps par rapport aux pays d’Afrique subsaharienne. Il reste le 4e pays le plus pauvre au monde avec un revenu par habitant évalué à 424 dollars en 2018. En outre, 90 % de sa population vit en dessous du seuil de la pauvreté, soit en dessous de 2 USD par jour, et plus de 75 % de sa population subit des conditions d’extrême pauvreté.
Ainsi, l’intersection entre pauvreté et violence à l’égard des femmes s’avère flagrante et désastreuse pour Madagascar. En outre, les données sur la violence à l’égard des femmes sont désuètes et peu disponibles. Ces situations font que la violence basée sur le genre est ressentie de façon disproportionnée par les plus pauvres parmi les femmes et les filles Malagasy.
Pour y remédier, je propose, avec ma directrice de recherche de l’Université de Montréal, de développer un logiciel pour le secteur public qui mettra en évidence les écarts entre la prévalence de violence faite aux femmes et les priorités politiques et budgétaires du gouvernement. Ce logiciel déclenchera la sonnette d’alarme lorsque les articles de journaux rapporteront des cas de violence alors que le secteur public n’engage aucune action pour intervenir et empêcher ces situations. Il servira de baromètre pour la violence sexuelle et à caractère sexiste et mettra la pression sur le secteur public d’agir en faveur des droits des femmes et des filles.
Dans le cadre de mon programme de bourses pour les leaders africains de demain, j’ai retenu qu’une politique publique devrait être élaborée de manière à lisser l’inégalité entre les plus démunis et les riches. Ma directrice de recherche m’a transmis l’importance d’être humaniste pour acquérir un leadership authentique. Ensemble, nous saisissons toute opportunité pour informer les mères et les enfants qui vivent dans des conditions de violence qu’il y a de l’aide et de la compassion qui changeront leur vie.
Andriatahina Mika Sidonie Ranaivomanana, boursière LAD 2017 -2018, a obtenu sa Maîtrise ès sciences (M.Sc) en sciences économiques de l’Université de Montréal en octobre 2018. De retour à Madagascar, elle reprend ses fonctions au sein du Ministère des Finances et du Budget et est engagée dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes et des enfants. .
Le programme de bourses pour les leaders africains de demain (LAD) est financé par le gouvernement du Canada par l’intermédiaire d’Affaires mondiales Canada et par la Fondation Mastercard. Il est géré par le BCEI en partenariat avec l’Institut d’administration publique du Canada et en collaboration avec l’Association africaine pour l’administration publique et le management et l’Association canadienne des programmes en administration publique.
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