Qu’y a-t-il dans un nom?
Nous ne choisissons pas comment nous nous appelons – nous ne choisissons même pas nos surnoms. Je ne vous dirai pas comment mes parents m’appellent, mais je vous dirai que plus d’un de mes amis m’appellent « Numéro 2 ». Ce n’est pas si mal, dans l’absolu, jusqu’à ce qu’on me raconte l’histoire ô combien drôle et originale de la personne qui fait un numéro 2 (sérieusement, trouvez quelque chose d’autre).
J’attendais le train de Taipei à Kaohsiung la semaine dernière, quand mes hôtes taïwanais ont créé des surnoms chinois pour nous, délégués, selon nos personnalités et aspirations. J’étais à Taïwan avec la délégation canadienne du Youth Global Participation and Humanitarism Seminar, organisé par le ministère taïwanais de l’Éducation et tout un tas d’étudiants incroyablement hospitaliers en université taïwanaise qui adoraient l’idée de choisir un nom symbolique pour leurs nouveaux amis étrangers.
L’une des premières étudiantes que j’ai rencontrées était aussi un Numéro 2. Pas de blague pipi-caca de ma part, mais ses amis l’ont taquinée à cause de son nom, 亞, qui veut dire deuxième ou inférieure. Sa mère n’avait pas l’intention de lui donner un nom dégradant, mais avait choisi 亞 pour lui rappeler de mettre les autres avant elle-même. Mon propre surnom n’ayant pas d’origines aussi nobles, j’ai décidé d’adopter 亞 comme nom chinois, et l’idée de Numéro 2, ou deuxième, a donc commencé à structurer ma semaine à Taïwan.
J’ai commencé à me poser une question : qu’est-ce que cela veut dire, de prendre l’idée de deuxième, sérieusement? Surtout comme participante canadienne à un congrès international sur la participation mondiale, où, sous le nom que je luis donne : la citoyenneté du monde?
La représentation nationale dans un contexte mondial
Si l’on vous a jamais déjà demandé de représenter votre pays, vous connaissez peut-être déjà ce désir que nous avons de crier nos couleurs nationales haut et fort. Nous avons eu la chance de le faire en représentant les politiques et la culture canadiennes pour les jeunes à l’occasion d’une séance affiche. Bien sûr, nous avons recouvert notre stand canadien de tatouages temporaires rouges et blancs et de biscuits à l’érable (même si, je dois l’avouer, nous nous sommes arrêtés avant le hockey et les Timbits) et avons créé une vidéo des vertus canadiennes des yeux d’étudiants universitaires (c’était très amusant à faire).
Cela aurait été bon de partager une photo brillante du nouveau conseil jeunesse du Premier ministre Trudeau et de notre mosaïque culturelle de toutes les couleurs comme exemples de la politique et culture canadiennes avec les délégués des autres pays. Mais je pouvais voir que ma délégation semblait n’avoir d’yeux que pour le deuxième. C’est pourquoi, pour compléter notre parade touristique canadienne, les étudiants ont décidé d’ajouter des éléments qui fassent redescendre le Canada de son piédestal.
Comment l’ont-ils fait? Le groupe a créé une présentation affiche sur l’histoire du Canada avec les écoles résidentielles et comment elles s’inscrivaient dans d’autres politiques comme la Loi sur les Indiens. Ils ont parlé entre autres d’histoires de résistance autochtone (par l’action politique, l’art et des mouvements comme Idle No More) et les essais actuels (et échecs) du Canada à s’occuper de son histoire. Leur approche s’appuyait sur leur expertise juridique et politique. On ne pouvait pas dire que ce n’était pas exhaustif.
Si vous étiez étudiant malaisien ou dominicain, ou coréen ou encore lituanien, et si vous veniez à notre stand, vous viviez quelque chose comme cela : voudriez-vous un biscuit à l’érable? Et un topo sur les politiques racistes du Canada?
Les étudiants ne mettaient pas exactement le Canada en premier.
Quand je me suis préparée au congrès, je dois admettre que j’étais curieuse de voir comment cela irait. Dans une ambiance établie par l’autopromotion nationaliste, où les Canadiens en particuliers aiment se définir comme tout particulièrement pluriculturels, démocratiques et pacifiques, qu’est-ce que cela voudrait dire, exactement, si nous utilisions notre nation, non pas comme un décideur exemplaire, mais en ouvrant la conversation sur ce qui pourrait être? Détourner nos propres modes d’opération (et les faire passer en deuxième place – ou moins) comme façon d’aspirer à quelque chose de meilleur?
Je n’ai aucunes données à partager du congrès prouvant l’efficacité de mettre le narratif national en deuxième place comme façon d’avoir une conversation mondiale plus productive. Mais je sais que notre stand était entouré de participants curieux du monde entier qui ont été surpris d’en apprendre plus sur un aspect de la politique et de la culture du Canada que l’on partage rarement dans les médias internationaux. Je sais aussi que j’ai passé de nombreux repas (de nouilles, choux et porc!) à comparer les relations autochtones du Canada avec ce qui se passe actuellement à Taïwan et en Australie. Et plutôt que d’avoir les bons Canadiens montrant aux autres le chemin du grand Nord à la décolonisation, le groupe international ensemble a réfléchi a des possibilités.
En fin de compte, nous avons été surpris de la réaction de certaines personnes à notre travail. À notre grande surprise, nous avons appris plus des autres que si nous étions venus pour présenter le meilleur du Canada.
Je partage cette histoire, non pas pour remettre le Canada en première place (regardez-nous! Nous sommes si intelligents de nous mettre en deuxième!), mais pour raconter une histoire sur la façon dont le fait de se mettre en deuxième est devenu une façon de désapprendre nos narratifs limités et nationalistes tout en ouvrant les façons dont nous pouvons apprendre des autres.
Je ferai avec. Même si cela s’accompagne d’une autre blague sur le fait de faire un numéro 2.
Carrie Karsgaard est conseillère auprès des étudiants internationaux à la University of British Columbia
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